Expérimenter les “business models” du Self Data
Après un premier atelier en septembre qui visait à identifier les intérêts économiques du Self Data pour les organisations détentrices de données, un deuxième atelier a eu lieu en décembre pour définir les conditions d’expérimentation de ces promesses de création de valeur.
Expérimenter pour révéler la valeur du self data
Nos travaux précédents nous ont permis d’esquisser des sources de création de valeur pour les détenteurs de données : réduction des coûts, développement des revenus et renforcement d’une position stratégique. Cependant, alors que de nombreux services se développent autour de l’écosystème technique de la restitution des données personnelles (cloud personnel, applications, plateformes, …), on constate relativement peu d’exemples de restitution des données personnelles aux utilisateurs par les détenteurs de données (banques, assurances, opérateurs téléphoniques, réseaux sociaux,…).
De nombreuses raisons peuvent expliquer cet écart entre promesses de création de valeur et initiatives réelles. Les questions techniques ou juridiques sont certes réelles, mais le blocage principal est d’ordre concurrentiel. Les détenteurs de données considèrent souvent les données comme une arme dans la bataille concurrentielle, les mettre à disposition de leurs clients, qui pourraient ensuite les partager à leur convenance, est dès lors perçu comme un risque d’affaiblir une position stratégique.
Notre hypothèse est que pour cheminer dans la révélation de la valeur de la restitution des données aux utilisateurs, l’expérimentation est une démarche productive. En effet, comme dans toute question émergente, le niveau d’incertitude est élevé sur un nombre de variables très important, qu’elles soient techniques, juridiques ou concurrentielles. Une démarche qui consisterait à analyser les différentes combinatoires possibles, les comparer et choisir ensuite celle qui semble la plus intéressante est peu efficace. D’une part, car il est souvent impossible d’identifier a priori l’univers des solutions et d’autre part, car cette démarche consomme un niveau de ressources élevé et se traduit par un délai important. Enfin, une partie des réponses aux questions qui sont posées proviendront non pas d’une analyse rationnelle et technique, mais des différentes initiatives qui seront prises par les acteurs économiques (individus ou entreprises).
Expérimenter permet dans un délai court et avec relativement peu de ressources de disposer de réponses sur les différentes questions qui sont posées. Une expérimentation ne vise pas à réussir, mais à apprendre pour diminuer l’incertitude.
Formuler des hypothèses, construire une expérience et mesurer les résultats
Plusieurs ouvrages ou articles décrivent l’approche expérimentale, nous avons choisi de nous référer à celle décrite dans le livre d’A. Osterwalder et Y. Pigneur Value proposition design (qui elle-même synthétise plusieurs autres contributions).
Une démarche expérimentale comporte 4 étapes :
1 – Formuler des hypothèses autour de trois grandes questions : les gens en veulent-ils ? Est-on capable de réaliser ? Est-ce viable économiquement ? Ces questions ont également été décrites par l’agence de design Ideo sous la forme de trois cercles (désirabilité, faisabilité, viabilité).
2 – Concevoir une expérience pour tester les hypothèses. Cette étape est probablement celle à laquelle nous sommes le moins habitués. Nous cherchons souvent à définir un modèle réduit d’une offre commerciale à tester. Ce n’est pas l’objectif qui est poursuivi dans une expérimentation. Nous cherchons ici à avoir une réponse à une de nos hypothèses pas à définir une version réduite de la future offre commerciale. De nombreuses possibilités sont offertes pour tester des hypothèses : réaliser une landing page, lancer un appel à intérêt ou à projets, organiser un hackathon, fournir un environnement “bac à sable”, …
3 – Mesurer les résultats. C’est la réalisation de l’expérience elle-même. Des critères de mesure de résultats auront été préalablement définis (ex : le nombre de visites sur un site, le nombre de projets inscrits, le nombre de téléchargement d’applications ou d’inscription à une newsletter).
4 – Analyser et conclure. Une fois l’expérience réalisée, l’analyse de ses résultats permet de définir les suites à donner à l’expérimentation : de nouvelles expérimentations ou le lancement d’un service.
3 scénarios à expérimenter
Lors de l’atelier, nous avons appliqué les deux premières étapes de cette démarche à trois scénarios :
1 – Création d’un « Appstore ». Des applications qui utilisent les données bancaires (et d’autres).
Une organisation crée une API sécurisée, et invite des développeurs à créer des “apps” à destination de leurs clients sur un AppStore. La réutilisation des données est encouragée via un concours et par l’injection au store d’autres types de données, d’autres API, afin de créer des services à valeur d’usage variée, que les clients peuvent télécharger sur le “Store”.
2 – Purple button. Mes données personnelles d’assurances accessibles en un clic.
Une organisation permet à ses clients de transférer de manière simple, standardisée et sécurisée leurs données au service tiers de leur choix. Les clients choisissent parmi un ensemble de service tiers celui ou ceux qui leur sont les plus utiles. Le service se connecte à l’espace client de l’utilisateur et récupère le flux de données dont il a besoin pour lui offrir son service.
3 – Plateforme personnelle. Mes données personnelles accessibles dans un cloud personnel.
Un détenteur de données réalise un partenariat avec une plateforme de stockage de données personnelles (ex : Cloud Personnel) et met à disposition de ses utilisateurs les données dont il dispose sur eux au sein de cette plateforme, via une application (chaque individu bénéficiant de son propre espace personnel). Le détenteur de données ne stocke donc pas l’intégralité des données. L’application peut utiliser des données qui proviennent d’autres détenteurs si l’utilisateur les stocke sur son Cloud Personnel (et inversement, d’autres applications créées par des tiers peuvent mobiliser les données de ce détenteur).
Vous pouvez retrouver plus de détail sur la méthodologie utilisée pendant l’atelier ainsi que les résultats de l’atelier :
Télécharger le compte-rendu de l’atelier ici.
Prochaines étapes
Comme nous l’avions annoncé, une publication de synthèse sera réalisée début 2016, elle reprendra la cartographie, les enjeux économiques ainsi que la boîte à outils d’expérimentation.
Mais nous ne nous arrêtons pas là. En 2016, MesInfos sera un véritable projet pilote, dont le dispositif dynamique, ouvert et apprenant permettra à des organisations d’ouvrir les possibilités du Self Data pour leurs clients et usagers. L’objectif principal ? Lancer concrètement le développement du Self Data, faire émerger aujourd’hui les opportunités qu’il recèle, et faire en sorte que ses partenaires soient, à l’échelle nationale, européenne et mondiale, parmi les premiers à en explorer le potentiel pour leur développement. Ce pilote permettra donc de mobiliser les travaux entrepris en 2015 par la Fing et Without Model, et d’approfondir ce défi clef pour le Self Data !
Par La Fing et Without Model.
Source : ADEC - Open data